Après une journée difficile, comment verbalisez-vous après avoir vu ou entendu des choses difficiles?

Attrapez-vous votre collègue le plus proche pour lui raconter tous les détails sordides? Est-ce que vos collègues de travail vous font un rapport explicite et détaillé de leurs journées à l’heure du lunch ou lors des réunions?

Lorsque les professionnels en relation d’aide entendent ou voient des choses difficiles dans le cadre de leur travail, ils souhaitent les raconter à quelqu’un pour alléger un peu leur propre fardeau. C’est une réaction tout à fait normale. Il s’agit d’un processus naturel important permettant de faire face à du matériel perturbant. Le problème, c’est que nous n’utilisons pas toujours les bons moyens. Nous nous soulageons les uns sur les autres sans être vraiment conscients des retombées négatives potentielles sur notre bien-être.

Les aidants admettent souvent qu’ils ne pensent pas toujours aux traumatismes secondaires qu’ils peuvent provoquer involontairement chez ceux qui écoutent leurs récits. Certains aidants (particulièrement les intervenants en traumatismes, les policiers, les pompiers et les ambulanciers) me disent que le partage de détails sordides est une composante « normale » de leur travail et que cela ne les affecte pas. Les données entourant le traumatisme vicariant vont toutefois à l’encontre de cette affirmation.

Une accumulation d’expositions à des traumatismes peut avoir un impact négatif, que nous en soyons conscients ou non.


Une accumulation d’expositions à des traumatismes peut avoir un impact négatif, que nous en soyons conscients ou non.


Les deux types de debriefing

  • Le compte rendu informel qui est souvent présenté de manière plutôt ponctuelle, soit dans le bureau d’un collègue à la fin d’une longue journée, dans la salle à manger du personnel, dans l’auto de patrouille de la police ou pendant le trajet de retour à la maison
  • Le compte rendu formel, un processus plus structuré, habituellement planifié à l’avance, s’inscrivant dans une optique de consultation des pairs, de supervision ou de verbalisation du stress lié à un incident critique.

 

Vous sentez-vous « éclaboussé » lors d’un debriefing informel?

Le principal problème entourant les debriefings informels réside dans le fait que les personnes qui doivent écouter des détails traumatisants ont rarement le choix de recevoir une telle information. C’est pourquoi elles se sentent éclaboussées par ce processus de compte rendu sans vraiment y participer.

Par ailleurs, une partie du problème entourant les comptes rendus formels ou la supervision par les pairs planifiée à l’avance réside dans le manque de synchronicité. Lorsqu’un aidant est témoin d’un élément perturbant dans le cadre de sa pratique clinique, il ressent habituellement le besoin d’en parler à quelqu’un qui est sur place, soit à ce moment-là ou au cours de la même journée.

J’ai travaillé dans une organisation où la supervision par les pairs avait lieu une fois par mois seulement. En tant que conseillère en intervention d’urgence, je ne pouvais presque jamais profiter de cette période de compte rendu puisque mon travail se situait dans l’immédiat. Compte tenu des crises dont j’étais témoin quotidiennement, un mois représentait toute une éternité. C’est pourquoi les aidants font souvent des comptes rendus informels. Ceux-ci leurs permettent de déverser leurs frustrations et/ou leurs émotions sur leurs collègues les plus proches et les plus fiables.

Un autre problème réside dans le manque de supervision satisfaisante dans certains cas. De nombreux aidants ont malheureusement accès à une supervision insuffisante ou de faible qualité. Ils ne disposent d’aucun endroit où raconter leurs expériences.


Compte rendu à faible impact

Presque tous les aidants reconnaissent qu’ils ont déjà, consciemment ou inconsciemment, traumatisé leurs collègues, amis ou familles par des récits qui étaient sans doute inutilement explicites. Un compte rendu à faible impact peut contribuer à améliorer la situation.

Celui-ci comporte quatre étapes principales, à savoir conscience de soi, avertissement raisonnable, consentement et divulgation restreinte.

Augmentation de la conscience de soi

Vous est-il déjà arrivé de choquer vos amis ou votre famille ou même de leur faire peur en leur racontant une expérience de travail que vous considériez bénigne ou même amusante? Quand on travaille sur le terrain, on devient rapidement moins sensible aux traumatismes et pertes auxquels on est exposé quotidiennement. Efforcez-vous d’être plus conscient des histoires que vous racontez et du niveau d’explications que vous fournissez. Posez-vous les questions suivantes : « Est-il vraiment nécessaire de fournir autant de détails? » « Est-il possible de transmettre l’information nécessaire à l’aide d’une version simplifiée? ».

Avertissement raisonnable

Nous donnons un avertissement raisonnable dans notre vie de tous les jours. Par exemple, si vous deviez appeler votre sœur pour lui annoncer le décès de votre grand-père, vous commenceriez sans doute par lui dire « J’ai de mauvaises nouvelles à t’annoncer. » ou « Tu devrais t’asseoir. » Un tel avertissement permet au récipiendaire de se préparer à entendre l’information. Pourquoi n’utiliseriez-vous pas la même stratégie lors de vos comptes rendus? En sachant que vous êtes sur le point de me raconter une histoire traumatisante, je peux me préparer à l’entendre et réduire ainsi mon propre traumatisme.

Consentement

Après avoir averti le récipiendaire de la gravité de l’information que vous souhaitez lui transmettre, vous devez obtenir son consentement. Vous pouvez utiliser une formulation aussi simple que celles-ci : « J’ai besoin de te raconter quelque chose. Est-ce le bon moment? », « On m’a raconté quelque chose de vraiment difficile aujourd’hui. J’aurais vraiment besoin d’en parler à quelqu’un. Est-ce que je peux t’en parler? ». Le récipiendaire a alors le choix de refuser de vous écouter. Il peut aussi vous expliquer ce qu’il est capable d’entendre ou disposé à entendre.

Divulgation restreinte

Après avoir obtenu le consentement de votre collègue, vous pouvez décider du contenu de votre récit. Je vous propose d’essayer de raconter votre histoire à partir du cercle extérieur (c.-à-d. en commençant par l’information la moins traumatisante) et de poursuivre peu à peu vers le nœud du sujet (l’information très traumatisante). Il est possible que vous deviez fournir plus de détails en fonction de votre degré de perturbation personnelle suite à l’expérience vécue.

 

Quelle quantité de détails est suffisante? Quelle quantité est excessive?

Ne prenez pas pour acquis que vous devez divulguer tous les détails en même temps. Est-ce que ces détails sont indispensables à la discussion? Par exemple, si vous discutez du retrait d’un enfant de son foyer, vous devrez peut-être dire : « Cet enfant a souffert de négligence grave et subi des abus physiques de la part de sa mère ». Il est possible que cette information soit suffisante. Dans certains cas, vous devrez peut-être fournir plus de détails pour faciliter la discussion clinique.

Je recommande d’utiliser cette approche dans toutes vos conversations. Demandez-vous ce qui suit : « Est-ce que cette information est trop traumatisante pour que je puisse la partager de façon informelle? ». Un compte rendu à faible impact est une stratégie simple et facile à utiliser qui permet de nous protéger nous-mêmes et de protéger nos êtres chers et nos collègues contre des explications inutilement traumatisantes.


Ressources recommandées

Carte debriefing


Cet article a été initialement publié en ligne en 2008 et a été mis à jour en mars 2022.

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