Il s’agit d’un marathon, pas d’un sprint : comprendre les concepts de réactivité et d’ancrage – Deuxième partie

Nous devons tous nous préoccuper de notre santé physique et mentale pendant que nous affrontons la présente crise mondiale. Comment interprétons-nous nos réactions instinctives au stress? Comment pouvons-nous rester calmes pendant cette période d’incertitude?

Voici la deuxième partie des stratégies que nous proposons pour assurer notre santé à long terme pendant la pandémie de COVID-19. Cliquer ici pour la première partie

Comprendre la réactivité et la réponse aux menaces

Notre réponse aux menaces est profondément ancrée en chacun de nous. Tout au long de l’évolution de notre espèce, ce système primitif a préparé notre organisme à combattre, à fuir ou à s’effondrer et à faire le mort en réponse à une menace potentielle.

Cette réponse peut entraîner certains problèmes à l’époque moderne lorsque nous sommes incapables de distinguer entre une menace réelle er une menace perçue. Il n’est pas nécessaire de rencontrer un véritable tigre à dents de sabre pour que ce système se mette en branle. Il suffit parfois de penser à un tigre pour déclencher la sécrétion d’une grande quantité d’hormones de stress.

Au cours de la présente pandémie, nous nous retrouvons parfois en train de ruminer (comment aurions-nous pu mieux nous y préparer?) ou de revivre des expériences antérieures (aurais-je pu mieux aider une certaine personne?). Nous ressentons parfois beaucoup de peur et d’inquiétude relativement à notre avenir.

En nous comportant de la sorte, nous stimulons notre réponse aux menaces. Nous nous retrouvons dans un état de réactivité qui inhibe notre capacité de résoudre des problèmes et de travailler de notre mieux.

Que pouvons-nous faire?

  • La prise de conscience fait apparaître des choix : Prenez un moment pour examiner vos comportements tout au long de la journée. Notez vos sensations et vos pensées. En prenant conscience de nos expériences internes, nous pouvons éviter d’être inondés d’hormones de stress. Cela nous permet de nous connecter à notre cerveau pour résoudre nos problèmes.
  • Le pouvoir d’une pause : Lorsque nous nous connectons aux zones conscientes de notre cerveau pour résoudre nos problèmes, nous activons en même temps les zones qui génèrent l’empathie et la compassion. Cette prise de conscience est absolument nécessaire chez les intervenants de première ligne en période de crise.
  • Établissement d’un rituel : On nous rappelle régulièrement de nous laver les mains. Nous pouvons saisir cette occasion pour faire une pause, respirer et calmer notre système nerveux. Concentrez-vous sur la belle température, les bulles de savon et le processus en cours plutôt que de planifier le reste de votre journée.
  • Rappelez-vous de respirer : Pendant les périodes de stress intense, bon nombre d’entre nous retenons notre respiration ou respirons très superficiellement. Nous pouvons activer notre système nerveux parasympathique, le système responsable de la relaxation, en ralentissant consciemment notre respiration et en respirant plus profondément.
  • Soyez un exemple de calme : Le système de neurones de notre cerveau s’active lorsque nous entreprenons une action ou que nous percevons que d’autres personnes entreprennent une action. Lorsque nous ralentissons notre respiration, les autres la ralentissent naturellement et inconsciemment pour refléter notre comportement.

La mise en pratique de l’exercice Pause de respiration de trois minutes peut vous aider à développer vos habiletés en matière de prise de conscience.

Concentrez-vous sur le positif (soyez comme le Velcro)

Selon le Dr Rick Hanson, « Le positif est comme le Teflon (il ne colle pas) tandis que le négatif est comme le Velcro (il colle facilement). »

Les êtres humains sont programmés sur le plan neurobiologique pour enregistrer les événements négatifs beaucoup plus rapidement que les événements positifs. En réalité, nous devons nous concentrer pendant 20 à 30 secondespour qu’un événement positif s’enregistre, tandis qu’un événement négatif s’enregistre instantanément.

La réponse aux menaces et l’instinct de survie qui se sont manifestés tout au long de l’évolution de l’espèce humaine sont responsables de cette situation. Il fallait en effet porter une attention particulière aux événements négatifs pour éviter qu’ils se reproduisent et assurer notre survie.

Cet héritage a engendré une inclinaison vers la négativité chez les êtres humains. Nous devons nous concentrer consciemment sur le positif pour combattre cette tendance innée.

Il peut toutefois être difficile de trouver quelque chose de positif quand nous traversons une crise et que nous sommes envahis par la peur en raison de l’incertitude engendrée par les informations contradictoires que nous recevons.

Que pouvons-nous faire?

  • Choisissez soigneusement votre entourage : Choisissez soigneusement les amis et collègues avec qui vous voulez passer du temps. Fréquentez des personnes sereines qui s’expriment calmement. Établissez des frontières avec les personnes qui vous épuisent.
  • Limitez votre exposition aux médias : Prévoyez des périodes de 10 minutes le matin et vers la fin de la journée pour vous renseigner dans des médias dignes de confiance. Évitez les médias axés sur le sensationnalisme et les scandales.
  • Exprimez votre gratitude : Habituez-vous à noter chaque jour quelque chose dont vous êtes reconnaissant. Faites-le au même moment chaque jour, par exemple lors de votre première gorgée de café le matin ou lorsque vous vous brossez les dents le soir.
  • Commencez une banque de résilience : Faites une pause pour reconnaître vos sensations lorsque vous êtes en forme, en pleine conscience et lorsque vous éprouvez du plaisir. Entreposez ces souvenirs dans votre « banque de résilience » pour y avoir recours au besoin.

Rappelez-vous que les leaders sont aussi des personnes humaines

Lors d’une récente entrevue, la Dre Patricia Fisher, principale conseillère à TEND, nous rappelait que, contrairement à la perception généralisée, les leaders sont souvent les personnes qui subissent le plus de stress et sont les plus surchargées dans les organisations.

Les leaders ne sont pas des super-humains. Les cadres intermédiaires sont particulièrement exposés à d’importantes tensions compte tenu qu’ils doivent établir un équilibre entre les exigences de la direction et leurs responsabilités en tant que superviseurs et dispensateurs de services.

Les leaders s’efforcent, tout comme nous, de répondre aux demandes de leurs familles et de composer avec des situations personnelles complexes.

Que pouvons-nous faire?

  • Donner l’exemple : Lorsque vous occupez un poste de leader, rappelez-vous que vous jouez le rôle de modèle pour votre équipe. En prenant soin de bien vous reposer pour être en mesure de penser clairement, vous pouvez avoir un impact important sur la façon de travailler.
  • Rester connecté : Connectez-vous à vos mentors formels ou informels pour ne pas assumer seul l’ensemble des tâches.
  • Qu’est-ce qui est sous votre contrôle? Identifiez les éléments qui sont sous votre contrôle et ceux sur lesquels vous avez une certaine influence. Concentrez-vous sur ces éléments plutôt que sur ceux que vous ne pouvez pas changer.

Créez un rituel de transition

La plupart des professionnels en relation d’aide sont familiers avec les processus de transfert à la fin des quarts de travail. Toutefois, lorsque la tension augmente au travail, comme pendant la présente pandémie, on oublie facilement l’importance des connexions pour débriefer dans une optique de santé mentale.

Les processus de transfert semblent avoir été modifiés. Les interactions face-à-face sont maintenant plus rares en raison du travail virtuel à distance. Nous avons aussi parfois très hâte de renter chez nous pour prendre soin de nos êtres chers qui ont passé la journée seuls à la maison. Nous ne trouvons tout simplement pas de temps pour débriefer.

Pour mieux faire la transition entre l’horaire de travail et l’horaire personnel, il faut trouver un moyen permettant de nous recentrer et de nous restaurer.

Notre système nerveux ne peut pas rester en activité 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Il faut adopter des routines et des rituels pour calmer celui-ci, surtout dans les périodes d’incertitude où nous devons répondre à de nombreuses exigences.

Que pouvons-nous faire?

Débriefing :

Passez au mode « hors travail » :

  • Expliquez vos besoins à votre entourage : Si vous partagez votre domicile avec d’autres personnes, expliquez-leur tous vos besoins pour passer du mode travail au mode repos. Vous pouvez fixer un moment pour discuter de vos journées de travail respectives ou une certaine heure pour arrêter la consultation des médias. Que souhaitez-vous d’autre?
  • Faites une transition consciente : Si vous travaillez à l’extérieur de la maison et devez porter de l’équipement de protection personnelle, vous devez nécessairement changer de vêtements et vous décontaminer. Prenez le temps de faire une transition consciente. Même si vous ne portez pas ce type d’équipement, le fait de changer de vêtements peut vous permettre une meilleure transition entre le travail et le repos.
  • Réservez un espace : Si vous travaillez à partir de la maison pendant cette période, réservez un espace pour votre travail. Si vous êtes dans l’impossibilité de le faire, assurez-vous de ranger votre ordinateur portable et vos dossiers pour le reste de la journée.
  • Respectez votre horaire personnel : À moins d’être sur appel, assurez-vous de respecter votre horaire de travail et votre horaire personnel. Profitez votre temps personnel pour vous déconnecter et vous restaurer. Évitez de consulter vos courriels au milieu de la nuit, etc.

Considérations finales

« En conclusion, compte tenu du démantèlement et de l’échec des systèmes, ce sont les décisions et les actions des individus au beau milieu de la crise qui ont eu les effets les plus adéquats, importants et immédiats sur la situation. » Sheri Fink, Five Days at Memorial

Bien que l’ampleur et les impacts de la pandémie de COVID-19 soient sans précédents, plusieurs leçons du passé ont été mises en pratique. Dans son livre Five Days at Memorial, Sheri Fink souligne l’importance de répondre aux besoins physiologiques et émotionnels de base de tous les fournisseurs des services et de leurs dirigeants. Ces besoins doivent évidemment être reconnus en tout temps, mais particulièrement dans les situations de crise.

Dans la citation de Fink présentée ci-haut, ce sont les décisions personnelles prises à un moment précis qui ont eu le plus d’impact. La bonne nouvelle, c’est que nous disposons d’un vaste bagage de connaissances sur la gestion des crises, la psychologie humaine, l’épuisement personnel, la fatigue de compassion et les stratégies de gestion de la physiologie humaine pendant les périodes de crise.

Bien que nous soyons incapables de contrôler de nombreux aspects de la présente pandémie, nous pouvons contrôler notre façon d’y répondre et de prendre soin de nous-mêmes et d’autrui.

Compte tenu qu’il s’agit d’un marathon et non d’un sprint, rappelez-vous de franchir une seule étape à la fois.

Quelques ressources utiles :

Livres

Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent, Stephen R. Covey, 2004

Par amour du stress, Sonia Lupien, nouvelle édition 2020

Quand le corps dit non : le stress qui démolit, Gabor Maté, 2003.

Articles

Le stress : Une menace contre la performance dans Revue Gestion, HEC Montréal, Claudine Auger, 2020

Reconnaître les signes d’épuisement professionnel & d’usure de compassion, L’association canadienne des médecins vétérinaire

Autres

Blogue, Sonia Lupien

Outils et ressources sur le stress, Centre d’études sur le stress humain

Stratégies en milieu de travail sur la santé mentale, Canada Vie

 

Ressources en anglais :

Books

Building Resilient Teams: Facilitating Workplace Wellness & Organizational Health in Trauma-Exposed Environments, Dr. Patricia Fisher, 2015

The Compassion Fatigue Workbook: Creative Tools for Transforming Compassion Fatigue and Vicarious Traumatization, Françoise Mathieu, 2012

Five Days at Memorial: Life and Death in a Storm-Ravaged Hospital, Sheri Fink, 2013

Help for the Helper: The Psychophysiology Of Compassion Fatigue And Vicarious Trauma, Babette Rothschild, 2006

Resilience, Balance & Meaning: Supporting Our Lives and Our Work in High Stress, Trauma-Exposed Workplaces, Dr. Patricia Fisher, 2016

Additional

Compassion Fatigue 101 online course with Françoise Mathieu

Staying Grounded in Stressful Work online course with Diana Tikasz

Resilience in Trauma-Exposed Work online course with Dr. Patricia Fisher

Organizational Health in Trauma-Exposed Environments online course with Dr. Patricia Fisher

COVID-19: Resilience Support Toolkit, Hamilton Health Sciences

This article is also available in English