En regardant les nouvelles ce matin, j’ai constaté les longues périodes d’attente nécessaires pour se renseigner auprès de Service Canada sur l’assurance-emploi ou encore, dans le cas des passagers retenus à l’étranger, pour se renseigner auprès des services à la clientèle des compagnies aériennes avant la fermeture des frontières ou obtenir d’autres renseignements du même type. Les personnes qui téléphonent ressentent alors un niveau élevé de détresse et de frustration.

On constate aussi que les préposés du 911 reçoivent un volume important d’appels, à la fois de la part de personnes inquiètes des risques de la Covid-19, et de personnes modérément affectées par la maladie tout en devant régler des questions de vie et de mort. (Bien qu’il n’y ait là rien de nouveau selon l’opinion même des préposés devant répondre à des situations d’urgence. La charge de travail actuelle est toutefois sans précédent).

Compte tenu que mon équipe a déjà eu l’immense privilège de travailler auprès de nombreux préposés de centre d’appels ou de services à la clientèle d’une grande variété d’entreprises, j’aimerais partager avec vous ce que peuvent vivre les personnes qui doivent répondre à de nombreux appels, clavardages en ligne ou courriels.

La plupart des préposés ressentaient déjà une énorme pression dans leur environnement de travail avant l’éclosion de la pandémie.

Les préposés des centres d’appel doivent affronter quotidiennement de nombreux facteurs de stress en raison du volume important d’appels qu’ils reçoivent, parfois de la part de personnes en colère ou en détresse. Ils ont souvent des périodes de pause insuffisantes ainsi que diverses lésions physiques pouvant résulter d’un aménagement inadéquat de leur poste de travail. De nombreux préposés doivent aussi composer avec de faibles revenus, de longues heures de travail, des emplois peu valorisants et un climat de travail pouvant aller de très sain à franchement toxique.

J’ai été appelée à fournir de l’aide aux préposés d’un centre d’appel où on observait un remplacement du personnel à tous les trois mois. Ces préposés ne pouvaient tolérer plus longtemps ce milieu de travail. J’ai toutefois travaillé majoritairement auprès de services à la clientèle où le leadership était empreint de sollicitude. Les préposés devaient quand même y affronter de nombreux obstacles en raison de leur lourde charge de travail et des appels provenant d’interlocuteurs difficiles.

 

Ces préposés reçoivent des appels très diversifiés, même dans des circonstances normales.

Ces appels peuvent provenir de personnes atteintes de graves problèmes de santé mentale ou suicidaires, de personnes proférant des menaces ou de personnes très frustrées de ne pouvoir obtenir les renseignements désirés parce qu’elles se sont trompées de service.

 

Ces préposés peuvent rarement régler vos problèmes au-delà de leur propre marge de manœuvre.

Les préposés des centres d’appel travaillent actuellement dans les mêmes conditions difficiles que tout le monde : lenteur des sites web, manque d’information de la part de leurs dirigeants et changement rapide des politiques, règles, règlements et procédures. Le fait de leur parler rudement n’augmente nullement leur pouvoir. Cela risque plutôt d’accroître le niveau de stress et de frustration des deux parties.

Dans certains cas, on peut demander poliment d’acheminer l’appel vers un superviseur pour obtenir de plus amples renseignements.

 

Ces préposés ont parfois une certaine liberté d’offrir quelques services additionnels.

Hier, par exemple, pendant que je travaillais par Zoom auprès d’une agence de soins de santé, mon fournisseur internet m’a avertie d’une interruption temporaire de mon service pour un motif non urgent.

Après avoir expliqué gentiment au préposé ce que j’étais en train de faire, il m’a remerciée et accepté reporter l’interruption de services. J’ai souvent constaté qu’on obtient une meilleure satisfaction quand on fait preuve de politesse lors de nos communications avec les préposés du service à la clientèle.

 

La plupart de ces préposés n’ont pas reçu de formation sur les premiers soins en santé mentale.

À moins de travailler dans des services hautement spécialisés qui fournissent une assistance en santé mentale, la plupart des préposés ne reçoivent pas ce type de formation. Ils doivent quand même répondre à des appels de personnes dysfonctionnelles sur le plan émotionnel, ce qui peut nuire à leur propre santé mentale.

 

Ces préposés ne connaissent presque jamais la conclusion des cas.

De nombreux préposés et communicateurs des centres d’appel m’ont confié que le fait de connaître très rarement la conclusion des cas qui leur sont soumis est un aspect perturbant de leur métier. Tout dépend évidemment des situations à régler. Une personne qui vous aide à activer votre téléphone mobile subira moins de stress émotionnel qu’une personne qui reçoit des appels relatant une situation stressante ou traumatisante. Certains préposés nous ont avoué que de tels appels ont parfois des effets dévastateurs sur eux. Ils disposent rarement du temps nécessaire pour un débriefing adéquat.

 

Les préposés subissent eux aussi les effets de la pandémie.

Les préposés des centres d’appel ont aussi des préoccupations de nature familiale et financière. Ils souffrent comme nous des pénuries de papier de toilette. (Je n’ai pas pu m’empêcher de faire cette blague!). Plus sérieusement, ces personnes ont rarement des revenus élevés; ils ont besoin de leur emploi pour nourrir leur famille. Leur conjoint est peut-être en chômage ou peut-être doivent-ils recevoir ces appels dans une maison pleine d’enfants en quarantaine. On ne sait jamais ce qui se passe dans la vie des autres.

J’aimerais vous inviter aujourd’hui à démontrer un peu de gentillesse et de considération aux communicateurs et préposés des centres d’appel, même lorsque ceux-ci sont incapables de vous satisfaire. Ces personnes doivent répondre à un nombre sans précédent de demandes. Elles s’efforcent de travailler le plus rapidement et efficacement possible.

Ayez donc une bonne pensée pour les personnes qui répondent à votre appel téléphonique, votre courriel ou votre clavardage en direct dans le cadre de leur travail en tant que préposés au service à la clientèle. Lorsque vous réussissez finalement à communiquer avec une personne humaine, remerciez-la de ses services.